« La fabrique d’une politique alimentaire locale intégrée : un éclairage par les interdépendances »
Retour sur la soutenance de thèse de Julie Lailliau qui s’est tenue mardi 03 septembre 2024
Contact
Nathalie Corade, nathalie.corade@agro-bordeaux.fr
Contexte
Julie est une ancienne étudiante d’APTERIA (GDTR à l’époque) promotion 2013-2016. Elle a soutenu mardi 03 septembre 2024 sa thèse en science politique. Cette thèse CIFRE démarrée en 2019 a été réalisée sous la codirection de Caitriona Carter, Chargée de recherche en science politique à INRAE ETTIS et de Nathalie Corade, Maîtresse de conférences en économie.
Résumé des travaux
Le récent développement de politiques alimentaires dans les territoires relève d’une innovation de l’action publique locale dont les modalités de construction et de mise en œuvre ont cependant peu été étudiées. En effet, les politiques alimentaires locales sous-tendent avant tout des choix politiques informant tant les changements poursuivis en termes de régulation locale de l’alimentation au sein des systèmes alimentaires territoriaux, que les stratégies de légitimation des acteurs publics qui en sont porteurs. Cette thèse analyse les coulisses de la construction et de la mise en œuvre d’une politique alimentaire intégrée départementale, en prenant comme cas d’étude celle du Conseil départemental de la Gironde (CD33). En appliquant une nouvelle grille d’analyse constituée au croisement de trois littératures – approche par les interdépendances, travail politique et intégration dans les politiques publiques, la thèse éclaire le travail politique mené par les acteurs départementaux dans les étapes de problématisation et d’instrumentation de la stratégie alimentaire girondine et interroge les effets de cette action publique locale sur le système alimentaire local ainsi qu’au sein du Département.
Pour ce faire, ce travail s’appuie sur une immersion de plus de trois ans au sein de l’Agenda 21 départemental, du fait d’un conventionnement Cifre, ayant permis la constitution d’un matériau de recherche composite, constitué d’une observation participante, associée à l’analyse d’une littérature grise et complété par deux séries d’entretiens. L’analyse donne à voir les modalités et les processus de la fabrique de la politique alimentaire intégrée girondine sur quinze ans, entre 2008 et 2023. Elle met en lumière que le travail politique en termes d’interdépendances mené par les acteurs départementaux – dont l’influence varie – est sans cesse renouvelé, amenant à distinguer quatre cadrages cognitifs à travers quatre politiques alimentaires départementales avec leurs propres configurations d’acteurs, leurs propres arbitrages en termes d’interdépendances et leurs propres niveaux d’intégration. Autrement dit, durant ces quinze années, le CD33 ne s’est pas saisi de l’alimentation avec une vision constante et il n’y a pas associé les mêmes objectifs. À travers ces cadrages, la thèse éclaire de nombreux aspects de la “boite noire” de la fabrique de la stratégie alimentaire intégrée girondine : les jeux d’acteurs entre sphères politique et administrative, les arbitrages faits entre domaines d’intervention publique, la variation des postures du CD33 lorsqu’il s’agit d’amener du changement dans le système alimentaire et sa régulation, et plus généralement, les stratégies du CD33 pour se légitimer au sein de l’échiquier politique.
Finalement, l’analyse met en lumière des imbrications entre policy, politics et polity dans la fabrique de la stratégie alimentaire du CD33 et permet de conclure sur un mouvement perpétuel de bascule entre politisation et dépolitisation du fait alimentaire au gré de l’évolution des cadrages cognitifs, de la définition des objectifs (visée transformative ou affichage politique), des relations interterritoriales (relais ou opposant à l’État ; coopérations ou évitement), des reconfigurations d’acteur au sein même du Département (influence des acteurs administratifs et politiques) ou encore des évolutions dans la posture prise par le Département (logique de guichet, animateur, expérimentateur, etc.). Finalement, la thèse informe sur la construction d’une politique alimentaire intégrée instable, dont les éléments constitutifs sont sans cesse remodelés, et par laquelle il est donné à voir que la régulation locale de l’alimentation n’est pas tant l’objectif poursuivi par l’acteur public en tant que tel, mais plutôt un moyen participant d’une stratégie plus globale de légitimation d’un Département se positionnant continuellement comme un acteur intermédiaire.
Mots-clés
Politique alimentaire locale, Conseil départemental de la Gironde, Interdépendances politiques, Travail politique, Intégration dans les politiques alimentaires, Action publique locale
Jury
Mr Alain FAURE, Directeur de recherche CNRS en science politique, IEP de Grenoble (Rapporteur)
Mme Salma LOUDIYI, Professeure en géographie, VetAgro Sup (Rapporteure)
Mr Xabier ITCAINA, Directeur de recherche CNRS en science politique, Centre Emile Durkheim (Examinateur)
Mme Laura MICHEL, Maîtresse de conférences HDR en science politique, Université de Montpellier (Examinatrice)
Mme Caitriona CARTER, Directrice de recherche en science politique, Université de Bordeaux (Directrice de thèse)
Mme Nathalie CORADE, Maîtresse de conférences en économie, Bordeaux Sciences Agro (Co-encadrante de thèse)