Contexte

Depuis juillet 2024, Marie-Pierre ELLIES mène ses recherches à l’Institut AgResearch de Palmerston North, en Nouvelle-Zélande, dans le cadre du Laboratoire International Associé RUMQUAL “Real time assessment and modelling of meat QUAlity from RUMinants”. Ce laboratoire, porté par Bordeaux Sciences Agro, INRAE et AgResearch, vise à évaluer et modéliser la qualité de la viande des ruminants pour favoriser une production durable et conforme aux attentes des consommateurs.

Un contrôle efficace de la qualité et de l’authenticité de la viande nécessite des outils rapides et sensibles, actuellement limités dans l’industrie. Les nouvelles technologies d’analyse, comme la spectrométrie REIMS (spectrométrie de masse à ionisation par évaporation rapide), offrent un potentiel prometteur. Cette méthode permet d’établir une empreinte digitale des échantillons analysés, facilitant leur différenciation selon la race, le mode d’élevage ou encore leur qualité prédite. AgResearch, partenaire clé du projet, est un leader mondial dans ce domaine émergent. Des modèles de prédiction établis dans le cadre de ce laboratoire nous permettent maintenant d’estimer avec une erreur inférieure à 2 % le pH ultime, la teneur en oméga 3 et 6 ainsi que la tendreté des viandes dès l’abattage. Ces avancées offrent aux industriels des outils précieux pour optimiser les conditions d’élevage, d’alimentation, d’abattage et de maturation, contribuant ainsi à une amélioration globale de la qualité des produits carnés.

La qualité de la viande étant étroitement liée aux conditions d’élevage, il est essentiel de s’intéresser aux pratiques mises en place en Nouvelle-Zélande. Ce pays, reconnu pour son modèle d’élevage extensif à l’herbe, offre un cadre unique où les interactions entre alimentation, bien-être animal et qualité des produits carnés peuvent être étudiées à grande échelle.

L'élevage en Nouvelle-Zélande

L’élevage des ruminants en Nouvelle-Zélande repose essentiellement sur un système extensif basé sur le pâturage. Grâce à un climat tempéré, des précipitations régulières et des prairies fertiles, le pays offre des conditions idéales pour l’alimentation des bovins et ovins à l’herbe toute l’année. L’exploitation des pâturages suit un modèle de gestion intensive et rotative, où les troupeaux sont déplacés fréquemment pour optimiser la repousse de l’herbe et maximiser la productivité. Ce système limite les apports alimentaires externes, réduisant ainsi les coûts et l’empreinte environnementale de la production. L’élevage néo-zélandais s’appuie également sur une sélection génétique rigoureuse et un suivi sanitaire strict, garantissant des animaux robustes et une production efficiente. L’herbe constitue la base de l’alimentation, mais certains compléments (ensilage, foin) peuvent être utilisés en période de déficit fourrager. Cette approche permet de produire une viande et un lait à faible coût, très compétitifs sur le marché international.

Bien que le pâturage soit au cœur du système, la Nouvelle-Zélande dispose aussi d’un grand centre d’engraissement où certains animaux, notamment les jeunes bovins destinés aux marchés d’exportation premium, reçoivent une alimentation très riche en aliments concentrés afin d’accélérer leur finition. Ce double modèle allie ainsi la durabilité du pâturage et l’intensification ciblée de l’engraissement.

Visite du site ANZCO à Ashburton, Nouvelle-Zélande : une approche différente de l’élevage bovin

Le site ANZCO d’Ashburton (5 stars farm) se concentre sur l’engraissement de jeunes bovins, principalement des Angus ou des croisés Angus-Herford. Chaque année, ce site engraisse environ 40 000 animaux, achetés à 250 fermes partenaires entre 14 et 24 mois. Les animaux passent ensuite 120 jours sur le site, durant lesquels ils sont nourris avec une ration sèche d’environ 15 kg de matière sèche par jour. Cette ration est composée majoritairement de blé, ainsi que d’ensilage de maïs, de foin de ray-grass ou de luzerne, d’orge, de mélasses, de farine de colza, d’amidon de pomme de terre et de minéraux. Les aliments sont produits localement, ce qui contribue à réduire l’empreinte écologique du site.

Les bovins atteignent un poids de carcasse d’environ 370 kg, correspondant à environ 160 kg de viande, après un gain moyen quotidien de 1,5 à 2 kg par jour en phase d’engraissement et un rendement carcasse de 54 %. Les carcasses sont destinées au marché japonais premium, réputé pour ses exigences en matière de qualité et de traçabilité. Le site ne recourt ni aux antibiotiques ni aux facteurs de croissance pour l’engraissement des animaux.

Cette visite avait pour objectif de mieux comprendre ce système de production intensif et d’explorer les possibilités de collaboration entre Bordeaux Sciences Agro et ANZCO Foods. Ce type d’élevage, bien que très différent de nos pratiques françaises, offre une perspective intéressante sur la diversité des modèles de production et les défis associés à l’exportation vers des marchés exigeants. La compréhension de ces systèmes peut également enrichir nos réflexions sur l’avenir des filières animales durables dans un contexte global. Aussi, si l’objectif n’est pas de reproduire ce type de modèle, il peut nous permettre de tirer des enseignements pour adapter et renforcer nos propres pratiques à la fois qualitatives et durables.

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