Communiqué de presse

Pour répondre à cette question clé, un consortium international de scientifiques, coordonné par INRAE et Bordeaux Sciences Agro, a étudié la croissance de 223 espèces d’arbres plantées dans 160 forêts expérimentales, réparties dans différentes régions du monde. Résultats : les espèces conservatives, qui sont les plus efficaces dans la préservation de leurs ressources (nutriments, eau, énergie), poussent généralement plus vite dans les forêts. Publiés dans Nature, ces résultats, à disposition des gestionnaires forestiers, mettent en évidence le rôle central des conditions locales dans la croissance des arbres.

Les forêts fournissent de nombreux services écosystémiques : régulation microclimatique, préservation de la biodiversité, purification de l’air et de l’eau, protection des sols, etc. Elles constituent, avec les océans, l’un des deux puits de carbone les plus importants, de par leur capacité à stocker du carbone dans les sols et dans la biomasse des arbres.

Ainsi, promouvoir des arbres qui poussent vite pourrait renforcer un des leviers de l’atténuation du changement climatique. Les gestionnaires forestiers se posent alors une question-clé : quelles espèces d’arbres ont le plus grand potentiel d’atténuation ?

INRAE et Bordeaux Sciences Agro ont lancé une étude pour identifier quelles sont les caractéristiques des arbres, aussi appelées « traits fonctionnels », qui favorisent leur croissance et ainsi la séquestration de CO2 dans la biomasse. Pour cela, les chercheurs ont coordonné un consortium international, impliquant l’ONF et le Centre National de la Propriété Forestière (CNPF), qui a étudié la croissance de 223 espèces d’arbres plantées dans 160 forêts expérimentales, réparties dans différentes régions du monde (Europe de l’Ouest, États-Unis, Brésil, Éthiopie, Cameroun, Asie du Sud-Est, etc.), et représentatives de tous les grands biomes forestiers.

La théorie actuelle : les espèces acquisitives poussent vite

Des travaux antérieurs avaient montré qu’en conditions contrôlées (souvent des expériences en serres) les espèces capables d’acquérir efficacement des ressources (lumière, eau, nutriments) poussent généralement vite (ex. : érables, peupliers, chêne pédonculé, chêne sessile, etc.). Ces espèces acquisitives ont des caractéristiques liées à la maximisation du prélèvement des ressources (surface foliaire spécifique importante, longueur spécifique de racines élevée) et à une forte capacité à transformer ces ressources en biomasse (capacité photosynthétique maximale élevée, forte concentration en azote des feuilles). À l’inverse, les espèces qui sont plus efficientes dans la conservation de leurs ressources internes (nutriments, eau, énergie) que dans le prélèvement de ressources externes sont qualifiées de conservatives (ex. : sapins, chêne pubescent, chêne vert, etc.), et sont supposées pousser plus lentement.

Nouveauté : les espèces conservatives poussent plus vite dans les forêts

Cependant, en conditions réelles, dans les forêts boréales et tempérées, les chercheurs ont montré que les espèces conservatives poussent généralement plus vite que les espèces acquisitives. Ce résultat s’explique par le fait que ces forêts sont généralement localisées dans des zones où les conditions de croissance sont défavorables (faible fertilité du sol, climat froid ou sec), ce qui donne un avantage aux espèces conservatives plus résistantes aux stress et plus frugales dans leur gestion de ressources limitées. Dans les forêts tropicales humides, où le climat est potentiellement plus favorable à la croissance des végétaux, les deux types d’espèces d’arbres ne se départagent pas en moyenne.

Le rôle central du choix des espèces en fonction des climat et sol locaux

Au-delà des tendances générales à l’échelle des grands biomes, les chercheurs ont mis en évidence le rôle déterminant des conditions locales. Il existe ainsi des situations où les conditions de croissance sont suffisamment favorables pour que les espèces acquisitives poussent plus vite que les conservatives. Tout l’enjeu réside donc dans l’adéquation de l’espèce au milieu dans lequel elle est installée. Ainsi, sous des climats favorables et des sols fertiles, les espèces acquisitives comme les érables ou les peupliers pousseront plus vite et donc fixeront plus de carbone que des espèces conservatives comme le chêne vert, le chêne pubescent ou de nombreux pins. À l’inverse sous des climats défavorables et sur des sols pauvres, ce sont les espèces conservatives qui auront le meilleur potentiel d’accumulation de carbone dans la biomasse. Cette récente étude apporte une contribution à la palette d’outils mobilisables par les gestionnaires forestiers pour contribuer à l’atténuation du dérèglement climatique.

Les grands biomes terrestres représentent de vastes zones géographiques caractérisées par des conditions climatiques et les espèces hébergées : la toundra, le désert, la savane, la forêt tempérée la forêt tropicale, la forêt de conifères, la prairie, le biome méditerranéen.

Référence

Augusto L., Borelle R., Boča A. et al. (2025). Widespread slow growth of acquisitive tree species. Nature, DOI : https://doi.org/10.1038/s41586-025-08692-x

Contacts scientifiques :

Laurent Augusto – laurent.augusto@inrae.fr

Marie Charru – marie.charru@agro-bordeaux.fr

Unité mixte de recherche Interaction sol plante atmosphère

Départements scientifiques Agronomie et sciences de l’environnement pour les agroécosystèmes (AGROECOSYTEM) et Écologie et biodiversité des milieux forestiers, prairiaux et aquatiques (ECODIV)

Centre INRAE Nouvelle-Aquitaine-Bordeaux

Contacts presse :

Service Médias et opinion INRAE : 01 42 75 91 86 – presse@inrae.fr

Annabelle Decombe – Bordeaux Sciences Agro : 06 17 21 58 14 – annabelle.decombe@agro-bordeaux.fr

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