L’équipe ISPA (INRAE – Bordeaux Sciences Agro) confirme une fois encore son rôle moteur dans la recherche internationale sur l’adaptation des forêts au changement climatique. Dans un article majeur publié ce mois-ci dans Nature (Widespread slow growth of acquisitive tree species, Augusto et al., 2025), Marie Charru et Mark Bakker, contribuent à revisiter les fondements écologiques classiques sur la dynamique de croissance des arbres.

Contexte :

Les arbres constituent, avec les océans, un puits de carbone important car ils accumulent de la biomasse par photosynthèse. Identifier les espèces d’arbres à croissance rapide permettrait de renforcer un des leviers de l’atténuation du changement climatique. La question est : quelles espèces d’arbres permettent une atténuation efficace et durable ?

 

Théorie :

Des travaux antérieurs ont montré qu’en conditions contrôlées (expériences en serre), les espèces capables d’acquérir efficacement des ressources (lumière, eau, nutriments) poussent généralement vite (érables, peupliers). Ces espèces sont dites « acquisitives » et ont des caractéristiques (appelées « traits fonctionnels ») liées à la maximisation du prélèvement des ressources (surface foliaire importante, longueur des racines élevée) et à une forte capacité à transformer celles-ci en biomasse. À l’inverse, les espèces qui sont plus efficientes dans la conservation de leurs ressources internes que dans le prélèvement de ressources externes sont qualifiées de « conservatives » (sapins, chêne pubescent, chêne vert…), et sont supposées pousser plus lentement.

 

Objectif de l’étude : évaluer si les espèces d’arbres acquisitives poussent réellement vite sur le terrain, à l’échelle mondiale.

Hypothèse de travail : les relations croissance-traits observées dans la littérature ne sont pertinentes que dans des conditions environnementales favorables à l’activité biologique (climats chauds et humides et sols fertiles), mais ces conditions sont rares en raison de limitations nutritives et de stress climatiques généralisés.

Démarche : Un consortium international a étudié la croissance et les traits fonctionnels de 223 espèces d’arbres plantées dans 160 forêts expérimentales, réparties dans différentes régions du monde (Europe de l’Ouest, États-Unis, Brésil, Éthiopie, Cameroun, Asie du Sud-Est…), représentatives de tous les grands biomes forestiers.

 

Principaux résultats : 

Les espèces d’arbres acquisitives, qui sont censées avoir une croissance rapide, poussent généralement lentement dans les conditions du terrain. Cette divergence entre la théorie et les observations sur le terrain s’explique par les interactions avec les conditions environnementales qui influencent la croissance. Ces espèces ont besoin de climats doux et humides et de sols fertiles, conditions qui ne sont généralement pas réunies sur le terrain. À l’inverse, cette étude a montré qu’en conditions réelles, dans les forêts boréales, tempérées et méditerranéennes, les espèces conservatives, censées avoir une croissance lente, présentent une croissance généralement plus élevée, en raison de leur capacité à tolérer des conditions environnementales défavorables (croissance plus soutenue).

Ce basculement de paradigme, porté par l’analyse de 223 espèces dans 160 forêts expérimentales réparties sur tous les grands biomes, offre de nouvelles perspectives pour les stratégies de reboisement et d’atténuation du changement climatique.

 

Recommandations :

Ce travail apporte un plus à la palette d’outils mobilisables par les gestionnaires forestiers pour contribuer à l’atténuation du dérèglement climatique.

  • Planter les espèces acquisitives dans des zones où elles peuvent réaliser leur potentiel de croissance rapide.
  • Dans les régions où les contraintes environnementales sont plus fortes, planter des essences conservatives qui ont un plus grand potentiel de fixation du carbone dans leur biomasse.

 

Implications : 

A travers ce travail, Bordeaux Sciences Agro renforme son positionnement stratégique dans les domaines de l’agroécologie et de la transition climatique, notamment sur la gestion durable des forêts et la sélection d’espèces adaptées aux défis environnementaux futurs.

 

En savoir plus:

Augusto L., Borelle R., Boca A., Bon L., Arias-Gonzalez A., Bakker M. R., …, Charru M., 2025, Widespread slow growth of acquisitive tree species. Nature, https://doi.org/10.1038/s41586-025-08692-x

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Contact:

Marie Charru : marie.charru@agro-bordeaux.fr

Mark Bakker : mark.bakker@agro-bordeaux.fr

Photo : Arboretum du réseau REINFFORCE à Priziac (56). Copyrigth CNPF-IDF